26 janvier 2018
Accélérer des particules grâce au laser Apollon
Publiée dans Nature communications, une étude coordonnée par le Laboratoire d’utilisation des lasers intenses (LULI – UMR École polytechnique, CNRS et CEA) démontre que le laser de très haute intensité Apollon pourra accélérer des ions à forte énergie

Inventés dans les années 1930 pour comprendre la structure des noyaux atomiques, les accélérateurs d’ions se sont révélés être de formidables outils technologiques à usages scientifique et sociétal extrêmement variés. Néanmoins, les techniques d’accélération développées au XXème siècle commencent à connaître une saturation de leur potentiel de croissance, comme en témoigne le gigantisme de l’installation du LHC au CERN qui fût nécessaire pour mettre en évidence le boson de Higgs.

Développée depuis plusieurs années, une nouvelle approche exploite des impulsions laser ultra-courtes et ultra-intenses pour accélérer des électrons de forte énergie et entrainer des ions dans leur sillage. Afin d’accroître l’énergie que peuvent atteindre ces ions, une méthode naturelle est d’augmenter l’intensité des lasers et donc celle des champs électriques associés. C’est ainsi qu’un nouveau seuil va être franchi par la mise en service du laser Apollon coordonné par le laboratoire LULI (UMR de l’École polytechnique, du CNRS et du CEA) et qui, avec une puissance inédite de 10 PetaWatt, deviendra de fait le laser le plus puissant au monde.

Alors qu’en 2018 Apollon pourra déjà proposer une ligne d’expérience à 1PW, une étude de Nakatsutsumi et al., coordonnée par une équipe du laboratoire LULI et publiée dans Nature communications, s’est intéressée aux régimes physiques qui seront à l’œuvre sur cette nouvelle installation. Ceci a été possible grâce à la mise en œuvre d’une optique originale qui a permis, sur des installations existantes et moins puissantes, de s’approcher de ce que l’installation Apollon pourra atteindre.

Grâce à ces intensités très hautes qui n’avaient pu être atteintes jusqu’à présent, un subtil couplage de champs électriques et magnétiques a été mis en évidence. Il révèle ainsi que la caractéristique de fonctionnement d’Apollon devrait être favorable à l’accélération d’ions à forte énergie, ce qui valide a posteriori les choix technologiques faits pour ce laser. L’étude valide également l’optique permettant la focalisation extrêmement acérée du laser qui a permis d’atteindre des intensités record. Ces résultats numériques et expérimentaux ouvrent ainsi la voie à la production d’intensités encore plus élevées que ce qui avait été imaginé lors de la conception de l’installation Apollon, et donc à un élargissement de son potentiel de découverte qui sera très prochainement testé.

 

De la recherche à l’application

Depuis leur invention pour étudier la physique des particules, les accélérateurs d’ions ont trouvé des applications dans de nombreux domaines. Ainsi, l’accélérateur Aglaé du Louvre permet d’analyser des œuvres d’art par des méthodes non destructives, ce qui est capital, compte tenu du caractère précieux et souvent unique des œuvres. Dans le domaine de la médecine, les accélérateurs sont utilisés pour produire des faisceaux de protons pour soigner des patients atteints de cancers localisés dans des zones délicates d’accès, ou résistants aux radiothérapies et chimiothérapies comme le fait le Centre de protonthérapie d’Orsay.

Néanmoins, le coût de ces technologies est important, ce qui explique en partie la limitation de la diffusion des thérapies à base d’ions auprès d’une population plus importante. L’utilisation d’accélérateur de particules générées par lasers, plus compacts que les accélérateurs originels, pourrait à terme permettre de démocratiser l’accès à ces applications.

 

Retrouvez cette actualité sur le site de l'Ecole Polytechnique.

Référence :

"Self-generated surface magnetic fields inhibit laser-driven sheath acceleration of high-energy protons"
M. Nakatsutsumi, Y. Sentoku, A. Korzhimanov, S. N. Chen, S. Buffechoux, A. Kon, B. Atherton, P. Audebert, M. Geissel, L. Hurd, M. Kimmel, P. Rambo, M. Schollmeier, J. Schwarz, M. Starodubtsev, L. Gremillet, R. Kodama & J. Fuchs, Nature Communications, 9 (2018) 280.

 

Collaboration :

  • M. Nakatsutsumi, S. N. Chen, S. Buffechoux, P. Audebert, L. Hurd & J. Fuchs : LULI—CNRS, École Polytechnique, CEA: Université Paris-Saclay; UPMC Univ Paris 06: Sorbonne Universités, Palaiseau cedex, F-91128, France
  • M. Nakatsutsumi : European XFEL, GmbH, Holzkoppel 4, 22869, Schenefeld, Germany
  • Y. Sentoku, A. Kon & R. Kodama : Institute of Laser Engineering, Osaka University, Suita, Osaka, 565-0871, Japan
  • M. Nakatsutsumi & R. Kodama : Open and Transdisciplinary Research Initiatives, Osaka University, Suita, Osaka, 565-0871, Japan
  • Y. Sentoku : Department of Physics, University of Nevada, Reno, Nevada, 89557, USA
  • A. Korzhimanov, S. N. Chen, M. Starodubtsev & J. Fuchs : Institute of Applied Physics, 46 Ulyanov Street, 603950, Nizhny Novgorod, Russia
  • A. Kon & R. Kodama : Graduate School of Engineering, Osaka University, Suita, Osaka, 565-0871, Japan
  • B. Atherton, M. Geissel, M. Kimmel, P. Rambo, M. Schollmeier & J. Schwarz : Sandia National Laboratories, Albuquerque, NM, 87123, USA
  • L. Gremillet : CEA, DAM, DIF, Arpajon, F-91297, France

Present adress :        

  • A. Kon : Japan Synchrotron Radiation Research Institute, Sayo, Hyogo, 679-5198, Japan
  • L. Hurd : Department of Physics and Astronomy, Clemson University, Clemson, SC, 29634, USA
 
#25 - Màj : 10/09/2019

 

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